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retenu, c’est mon propre cœur, ce cœur dans lequel vous auriez dû mettre votre confiance, plutôt que dans les mesures violentes que vous avez adoptées. Quelle est donc cette vengeance mystérieuse dont vous voulez m’épouvanter encore ? Vous m’avez autrefois menacé ; vous ne pouvez me menacer de rien de pire aujourd’hui. Vous avez usé les ressorts de la terreur. Faites de moi ce qu’il vous plaira. Vous m’avez enseigné à vous entendre avec l’intrépidité du désespoir. Songez-y bien ; je ne me suis porté à la démarche que vous me reprochez que lorsque je me suis cru poussé à la dernière extrémité. J’avais enduré tout ce que peut souffrir la nature humaine. Une persécution sans relâche attachée à mes pas me tenait dans un état continuel d’inquiétude et d’angoisse. Deux fois le désespoir m’avait poussé au suicide. Cependant je suis fâché de m’être laissé entraîner à la démarche dont vous vous plaignez ; mais, exaspéré par la continuité de mes souffrances, je n’ai pas eu le temps de la réflexion. Même en ce moment je ne sens contre vous dans mon cœur aucun sentiment de vengeance. Tout ce qui est raisonnable, tout ce qui peut contribuer à votre tranquillité, je suis prêt à le faire ; mais je ne souscrirai point à un acte qui répugne à la raison, à l’honneur, à la justice. »

M. Falkland m’écouta avec étonnement et impatience. Il n’était pas préparé à tant de fermeté. Plusieurs fois la fureur qui le tourmentait intérieurement se manifesta par des convulsions ; plusieurs fois il laissa voir l’intention de m’interrompre ; mais