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modération. Si vous eussiez persisté jusqu’à la fin, j’aurais encore trouvé les moyens de vous en récompenser. Je vous ai laissé à votre propre discrétion. Vous pouviez montrer l’impuissante malignité de votre cœur ; mais, dans la position où vous étiez alors, je vous savais hors d’état de me nuire. Votre fausse modération envers moi a fini, comme je ne l’avais que trop soupçonné, par une lâcheté et une perfidie. Vous avez tenté de flétrir ma réputation. Vous avez cherché à dévoiler l’éternel et impénétrable secret de mon âme. Puisque vous en agissez ainsi, vous m’obtiendrez jamais grâce devant mes yeux. J’en garderai la mémoire jusqu’à mon dernier soupir. Le souvenir en pèsera encore sur vous-même quand je ne serai plus. Parce qu’une cour de justice vous a acquitté, vous flatteriez-vous d’être hors de la portée de mon pouvoir ? »

Pendant que M. Falkland parlait, il fut saisi d’une attaque soudaine ; un mouvement convulsif agita tout son corps, et il se laissa aller sur une chaise. Après trois minutes environ, il revint à lui.

« Oui, dit-il, je vis encore. Je puis vivre plusieurs jours, plusieurs mois, plusieurs années. Ma carrière sera-t-elle longue ? Il n’y a que le Dieu qui m’a créé, quel qu’il soit, qui puisse la terminer. Je vis pour être le gardien de ma réputation. C’est pour cela que je tiens à la vie, pour cela, et pour endurer des maux tels qu’aucune créature vivante n’en a jamais éprouvé. Mais, quand je ne serai plus, ma renommée me survivra ; ma mémoire passera sans tache à la postérité ; elle sera révérée dans l’im-