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Cependant j’eus occasion de m’apercevoir que l’un d’eux était l’infernal Gines. Ils me bandèrent les yeux, me mirent un bâillon dans la bouche, et m’entraînèrent je ne sais où. Pendant qu’ils m’emmenaient avec eux, sans dire un mot, je cherchais à former des conjectures sur l’objet de cette violence extraordinaire. J’étais pénétré de l’idée qu’après l’événement du matin, les moments les plus durs et les plus douloureux de ma vie étaient passés, et je ne pouvais me résoudre à m’alarmer sérieusement de cette attaque imprévue, tout étrange qu’elle était. C’était peut-être, toutefois, quelque nouveau projet enfanté par la haine implacable et malfaisante du détestable Gines.

Je m’aperçus bientôt que nous étions retournés dans la ville d’où je venais de sortir. Ils me conduisirent dans une maison, et, aussitôt qu’ils s’y furent mis en possession d’une chambre, ils me délivrèrent des entraves qu’ils m’avaient mises. Alors Gines, avec un rire perfide, me dit qu’on ne voulait pas me faire de mal, et qu’en conséquence j’eusse à me montrer plus raisonnable en me tenant tranquille. Je reconnus que nous étions dans une auberge, j’entendis de la compagnie dans une chambre qui n’était pas loin de nous ; dès lors je demeurai tout aussi convaincu que Gines lui-même que je n’avais pour l’instant aucune espèce de violence à craindre, et je pensai qu’il serait toujours assez temps de faire résistance s’ils entreprenaient de m’emmener hors de cette auberge de la même manière qu’ils m’y avaient conduit. Je ne laissais pas que d’être curieux