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il me plaisait ! Et pourquoi donc avais-je percé à travers toutes ces serrures, ces verrous et ces murs impénétrables sous lesquels j’étais enfermé ? Pourquoi avais-je passé tant de jours dans les soucis et les alarmes, tant de nuits dans l’agitation et l’infamie ? Pourquoi avoir mis mon imagination à la torture pour inventer sans cesse de nouveaux moyens d’échapper aux poursuites ? Pourquoi avoir tendu tous les ressorts de mon âme à un degré d’énergie dont je l’aurais à peine crue capable ? Pourquoi avoir dévoué tous les moments de mon existence passée à une continuité de tourments qui semblaient excéder la mesure des forces humaines ? Grand Dieu ! qu’est-ce que l’homme ? Que son avenir est impénétrable pour lui ! Que l’événement même de la minute qui va suivre est hors de sa portée ! J’ai lu quelquefois que le ciel a voulu, dans sa merci, dérober à nos yeux notre future destinée. Mon expérience ne s’accorde guère avec une telle assertion. Que de travaux, que d’angoisses inexprimables m’eussent été épargnés, si j’avais pu prévoir ce dénoûment d’une des plus redoutables époques de ma vie !