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dans les auberges. Il parcourait toutes les rues, et il examinait de l’œil le plus curieux et le plus attentif l’air et la démarche de tous les juifs qui se trouvaient à peu près de ma taille ; mais en vain. Il se rendait souvent à Dukes-Place ; il fréquentait les synagogues. Ce n’est pas que dans le fait Gines espérât me trouver dans ces différents endroits, mais c’étaient des moyens qu’il employait faute d’autres, et en désespoir de cause. Plus d’une fois, il fut sur le point d’abandonner l’entreprise ; son insatiable soif de vengeance le retenait toujours.

Son esprit était dans cet état de trouble et d’irrésolution, lorsqu’il s’avisa d’aller un jour rendre visite à un frère qu’il avait, prote dans une imprimerie. Il y avait peu de commerce entre ces deux personnes dont les inclinations et les habitudes n’avaient pas le moindre rapport. L’imprimeur était sage, laborieux et aimant à faire des épargnes. Mécontent de la conduite de son frère et de son genre de vie, il avait fait des efforts inutiles pour l’en retirer. Mais, malgré cette grande différence dans leur façon de penser respective, ils se voyaient quelquefois. Gines aimait à faire parade de ses exploits, au moins de tous ceux dont il osait risquer le récit ; et son frère était un auditeur de plus à joindre à ceux auxquels il avait coutume de raconter ses prouesses. Les saillies piquantes et les anecdotes singulières dont la conversation de Gines était semée amusaient beaucoup l’imprimeur ; malgré ses préjugés d’honnête homme, il ne pouvait se défendre d’un secret plaisir d’être le frère d’un