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Je ne fus pas longtemps à me ressentir des avantages de cette résolution. Dans l’intervalle de mon passage du navire à la ville, je ne proférai pas un mot. Mes conducteurs firent des commentaires sur mon silence obstiné, en observant qu’il ne me servirait à rien ; qu’infailliblement je ferais le saut, attendu qu’il ne s’était jamais vu que quelqu’un jugé pour avoir volé le courrier de Sa Majesté eût pu se tirer de là. On se persuadera aisément combien je me sentis soulagé par ces paroles ; je n’en persistai pas moins dans le silence que je m’étais proposé de garder. Le reste de leur conversation, qui ne laissa pas d’être diffuse, m’apprit que la malle d’Édimbourg à Londres avait été volée il y avait dix jours par deux Irlandais ; que l’on s’était déjà assuré de l’un d’eux, et que j’étais arrêté comme soupçonné d’être le second. Ils avaient un signalement de la personne de celui-ci, et, bien qu’il différât du mien sur beaucoup de points essentiels, comme je pus voir ensuite, ils y trouvèrent une analogie complète. Cette certitude que je ne me trouvais arrêté que par l’effet d’une méprise m’avait débarrassé d’un poids accablant. Je me voyais assuré d’établir mon innocence d’une manière satisfaisante devant quelque magistrat du royaume que ce pût être ; or, en comparaison des alarmes que je ne n’avais eu que trop de raison de prendre, le désagrément d’être traversé dans mes projets et d’avoir vu échouer mon dessein de quitter l’Angleterre, même après m’être déjà rendu à bord, n’était encore qu’un mal assez léger.

Aussitôt que nous fûmes débarqués, on me con-