Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/103

Cette page a été validée par deux contributeurs.

vaient former des projets et les mettre à exécution. Ils ne prenaient conseil que de leurs penchants. Ils ne s’étaient pas imposé cette pénible tâche à laquelle on n’est que trop assujetti dans la société des hommes, de paraître donner une approbation tacite aux choses qui vous font le plus souffrir, ou, ce qui est encore pis, de se persuader que tous les torts que vous avez à endurer sont légitimes ; ils faisaient ouvertement la guerre à leurs oppresseurs. Au contraire, les criminels que j’avais vus en prison étaient renfermés comme des bêtes féroces dans leur loge, privés de tout moyen d’activité et engourdis par une vie indolente. Si dans la fougue de leurs mouvements on découvrait encore de temps en temps les traces de leurs anciennes habitudes, c’était plutôt les écarts convulsifs d’une imagination malade que l’énergie raisonnée d’une âme vigoureuse. Il n’y avait plus pour eux d’espérances à former, plus de projets à concerter, plus de ces rêves brillants qui animent la vie ; la plus triste perspective était placée devant eux, et il leur était interdit d’en détourner la vue un seul instant. Il est vrai que ce sont les deux faces d’un même tableau, et que la seconde est la consommation, la suite inévitable et imminente de la première. Mais celle-là ne frappait nullement l’attention de mes nouveaux hôtes, et à cet égard ils paraissaient mettre tout à fait de côté la raison et les réflexions.

Sous certains rapports comme je l’ai dit, je pouvais me féliciter de ma demeure actuelle ; elle répondait parfaitement au besoin que j’avais d’être