Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 2.djvu/137

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

firent Celtæ, pour se rabattre ensuite, couramment, à la forme plus régulière Galli (1)[1].

Outre ce nom, les Galls en avaient un autre : celui de Gomer, inscrit dans les généalogies bibliques, au nombre des fils de Japhet (2)[2]. On a ainsi la mesure de l’antique notoriété



(1) P. Wachter, Encycl. Ersch u. Gruber, Galli, p. 47. — Le bas breton emploie aussi la forme Gallaouet, qui garde bien le t originaire de Γαλάται. Voir, à ce sujet, les médailles où l’on trouve les formes ΚAΛΕΓΕΔΟY, ΚAΛΔΟY, ΚAΛΔY, ΚAΛΕΔY et autres. — Vischer, Keltische Münzen aus Hunningen, in-4o, Bâle, p. 17. — Voir aussi Schaffarik, Slawische Alterth., t. I, p. 236. Cet auteur indique quelques formes intéressantes du nom : Galedin, que s’attribuaient les Belges et qui est la racine évidente de Caledonia ; Gaoidheal, en usage chez les Irlandais. Les Anglo-Saxons firent de walah le gothique vealh, fidèlement conservé dans notre valet. Les Anglais ont depuis abandonné cette dérivation insultante, pour cette autre, gallant, qui se rattache à notre vaillant. Ainsi, suivant l’humeur louangeuse ou méprisante de telle tribu de conquérants, la même racine ethnique a fourni l’éloge et l’injure. Une autre transformation de Gall, c’est Wallon, appliquée à un peuple de Belgique. Une autre encore, c’est Welche, dans la Suisse française, etc. — Schaffarik, ouvr. cité, t. I, p. 50 et pass. — On observe la trace du nom des Celtes dans certaines appellations de localités modernes, comme dans Chaumont = Kaldun, où la dernière syllabe est traduite ; dans Châlons, dans l’expression pays de Caux. Voir aussi la longue et savante dissertation de P.-L. Dieffenbach, Celtica II, in-8o, Stuttgart, 1840, 1re Abth., p. 9 et sqq., qui me paraît épuiser la matière.

(2) GMR (hébreu) Les Arméniens, en transcrivant ce mot dans leurs chroniques, en ont fait Gamir. Je n’ose décider s’ils le possèdent directement ou s’ils l’ont simplement emprunté à des traditions étrangères. Cependant la première hypothèse est d’autant plus soutenable qu’ils étaient eux-mêmes alliés de très près aux Celtes. Il y a plus : à examiner le nom que la Bible leur a appliqué à eux-mêmes, ils ne sont qu’une branche détachée de ces Gomers ou Gamirs ; ils s’appellent dans la Genèse (X, 3), Thogarma, TGRM (hébreu) et sont les propres fils de Gomer. C’est ici le lieu de dire quelques mots de la généalogie japhétide. La chronique mosaïque ne la pousse pas très loin, et n’entend évidemment donner, à ce sujet, qu’un renseignement tout à fait fragmentaire. Il n’est question ni du gros des peuples zoroastriens, ni, à plus forte raison, des Hindous. Je ne signale que les deux lacunes les plus apparentes, En tête des fils de Japhet se trouve Gomer. C’est donc, dans la pensée biblique, le peuple le plus important, le plus considérable de la famille, par la puissance et le nombre. Au temps d’Ézéchiel, on pensait encore de même à Jérusalem et le prophète

  1. (1) P. Wachter, Encycl. Ersch u. Gruber, Galli, p. 47. — Le bas breton emploie aussi la forme Gallaouet, qui garde bien le t originaire de Γαλάται. Voir, à ce sujet, les médailles où l’on trouve les formes ΚΑΛΕΓΕΔΟΥ, ΚΑΛΔΟΥ, ΚΑΛΔΥ, ΚΑΛΕΔΥ et autres. — Vischer, Keltische Münzen aus Hunningen, in-4o, Bâle, p. 17. — Voir aussi Schaffarik, Slawische Alterth., t. I, p. 236. Cet auteur indique quelques formes intéressantes du nom : Galedin, que s’attribuaient les Belges et qui est la racine évidente de Caledonia ; Gaoidheal, en usage chez les Irlandais. Les Anglo-Saxons firent de walah le gothique vealh, fidèlement conservé dans notre valet. Les Anglais ont depuis abandonné cette dérivation insultante, pour cette autre, gallant, qui se rattache à notre vaillant. Ainsi, suivant l’humeur louangeuse ou méprisante de telle tribu de conquérants, la même racine ethnique a fourni l’éloge et l’injure. Une autre transformation de Gall, c’est Wallon, appliquée à un peuple de Belgique. Une autre encore, c’est Welche, dans la Suisse française, etc. — Schaffarik, ouvr. cité, t. I, p. 50 et pass. — On observe la trace du nom des Celtes dans certaines appellations de localités modernes, comme dans Chaumont = Kaldun, où la dernière syllabe est traduite ; dans Châlons, dans l’expression pays de Caux. Voir aussi la longue et savante dissertation de P.-L. Dieffenbach, Celtica II, in-8o, Stuttgart, 1840, 1re Abth., p. 9 et sqq., qui me paraît épuiser la matière.
  2. (2) GMR (hébreu) Les Arméniens, en transcrivant ce mot dans leurs chroniques, en ont fait Gamir. Je n’ose décider s’ils le possèdent directement ou s’ils l’ont simplement emprunté à des traditions étrangères. Cependant la première hypothèse est d’autant plus soutenable qu’ils étaient eux-mêmes alliés de très près aux Celtes. Il y a plus : à examiner le nom que la Bible leur a appliqué à eux-mêmes, ils ne sont qu’une branche détachée de ces Gomers ou Gamirs ; ils s’appellent dans la Genèse (X, 3), Thogarma, TGRM (hébreu) et sont les propres fils de Gomer. C’est ici le lieu de dire quelques mots de la généalogie japhétide. La chronique mosaïque ne la pousse pas très loin, et n’entend évidemment donner, à ce sujet, qu’un renseignement tout à fait fragmentaire. Il n’est question ni du gros des peuples zoroastriens, ni, à plus forte raison, des Hindous. Je ne signale que les deux lacunes les plus apparentes, En tête des fils de Japhet se trouve Gomer. C’est donc, dans la pensée biblique, le peuple le plus important, le plus considérable de la famille, par la puissance et le nombre. Au temps d’Ézéchiel, on pensait encore de même à Jérusalem et le prophète s’écriait : « Gomer et toutes ses troupes, la maison de Thogarma, les flancs de l’Aquilon et toute sa force et ses peuples nombreux. » (38,6.) — Ainsi les Celtes unis aux Arméniens, comme ne formant qu’une seule race, c’est là pour les Hébreux la grande nation japhétide. Après elle vient Magog. Ce sont les peuples de la région caucasienne, probablement arians, Gog étant la transcription sémitique de l’arian kogh. Le livre saint les place dans un rapport d’apposition ou d’opposition avec Gomer : car le chef qui doit conduire les armées cimmériennes s’appelle Gog. Il n’y a pas hostilité entre Gog et Magog. (Ezéch. 38, 2, 3, 4.) C’est le premier qui doit commander Magog tout comme Gomer. En conséquence, je vois dans Magog une nation géographiquement voisine des Cimmériens, une nation de la même souche, blanche comme eux, pouvant se réunir à eux ; je vois dans Magog des Slaves, et ne crois pas qu’on soit fondé à y voir autre chose. — Après ce peuple s’offre Madaï, qui s’explique aisément : ce sont les Mèdes, cette fraction des Zoroastriens, la plus anciennement connue, la seule connue même des Chamites noirs et des premiers Sémites (t. I, p. 469). Il est naturel que la Genèse ne cite qu’elle. Après Madaï se trouve Javan. J’ai montré ailleurs (voir t. Ier) les différentes destinées de ce mot. On ne saurait lui attribuer ici un autre sens que celui d’ occidental. Ainsi Javan n’indique ni les Ioniens ni les Grecs, mais seulement des populations établies à l’ ouest de la Palestine, soit qu’on entende par là le nord, le nord-ouest ou simplement l’ouest. — Thubal succède à Javan. Les commentateurs y voient un peuple insignifiant dans le Pont, les Tibaréniens. Il en est de même pour Meschesch, placé entre l’Ibérie, l’Arménie et la Colchide. Ces deux groupes ont pu avoir, très anciennement, une importance qui se dissipa dans les siècles suivants comme celle des Thiras, des Thraces, dont j’ai suffisamment parlé en leur lieu. Ce dernier nom clôt la liste des produits de la première génération de Japhet. Après eux viennent les fils de Gomer et les fils de Javan, c’est-à-dire les branches de la famille les moins inconnues. Les fils de Gomer sont Thogarma dont j’ai déjà fait mention, les Arméniens, cités (X, 3) les troisièmes et que je cite les premiers pour en finir avec eux, puis Aschkenas et Riphath. Aschkenas ne s’est prêté jusqu’ici à aucune explication. Rosenmuller incline à y voir une peuplade quelconque entre l’Arménie et la mer Noire. Il me semble que c’est supposer que la géographie biblique s’appesantit bien inutilement sur une région qui ne lui tenait pas fort à cœur et où elle avait déjà mis suffisamment d’habitants, si c’est à bon droit qu’on y place déjà Thubal et Meschesch. Puisque les Aschkenas sont des fils de Gomer, des Celtes véritables, et que Gomer lui-même, c’est-à-dire la souche de la nation, a déjà été reconnu dans son plus ancien gîte, sur la côte de la mer Noire, le parti le plus simple serait peut-être d’admettre qu’Aschkenas représente les groupes de même sang placés plus à l’ouest, indéfiniment, peut-être les Slaves. Quant à Riphath, les habitants des monts Riphées, ce sont encore des Celtes, s’allongeant du côté du nord dans des contrées froides, montagneuses, vaguement entrevues, et se confondant au milieu des Carpathes avec les Aschkenas. — Si les fils de Gomer paraissent assez difficiles à reconnaître, ceux de Javan, l’occidental, ne le sont pas moins, comme le promettait, du reste, le nom de leur père. Ils apparaissent au nombre de quatre : Elischah, les habitants de la Grèce continentale, soit ceux de l’Élide, soit ceux d’Éleusis, non pas des Hellènes, mais, beaucoup plus vraisemblablement, des aborigènes, Celtes et Slaves. (Voir plus bas, chap. IV.) Tharschisch, les Ibères d’Espagne et, peut-être aussi, des îles voisines. Kittim, dans l’hypothèse la plus ordinaire, les habitants de Chypre et des archipels grecs ; mais j’en doute, les premiers colons de ces îles paraissant avoir été des Sémites. Enfin, Dodanim, les gens de l’Épire, par conséquent les Illyriens. Consulter, entre autres, à ce sujet, Rosenmuller, Biblische Geographie, in-8o, Berlin, 1823, t. I, p. 224 pass. ; plus récemment Delitsch, die Genesis, p. 284 et sqq. ; et Knobel, Giessen, 1850. M. Richers a également publié un livre sur ce sujet, mais je ne l’ai pas eu entre les mains. On peut tirer de ce qui précède les conclusions suivantes : la géographie japhétide de la Genèse, basée sur les souvenirs antiques des Chamites et les connaissances acquises, très peu nombreuses, des Sémites de Chaldée, n’embrasse pas, tant s’en faut, tout l’ensemble des nations blanches du nord. Les Arians n’y figurent que par l’individualité médique, les races du Caucase, les Thraces, et une combinaison ethnique au second degré, les Illyriens. On peut distinguer trois parties dans le détail : 1° les noms de Gomer, de Magog, de Thubal, de Meschesch, de Thiras et d’ Aschkenas, sont des appellatifs patronymiques donnés à des peuples. Ils représentent probablement les produits de la plus ancienne tradition. 2° Les mots Javan, Kittim et Dodanim sont des noms collectifs de peuples, acquis après le temps des premières migrations. 3° Ceux de Madaï, Riphath, Thogarma, Elischah et Thraschisch, véritables dénominations géographiques, indiquent des contrées plutôt que des peuples, et résultent d’une connaissance topographique déjà plus expérimentée.