Page:Gleason - Premier péché, 1902.djvu/97

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
97
Premier péché

de ses yeux sombres, même aux heures où m’apparaît nettement son effroyable égoïsme. J’eus un sourire, dans ma vie, celui de la mignonne qui arriva, sur la terre, avec le regard de l’autre ; il y avait un reproche dans les grands yeux tristes de ma douce chérie. Elle s’en est allée… et je suis bien seul maintenant, avec ma terrible expiation. Je ne mérite rien, je ne demande rien… J’expie !  !

Oh ! Valérie ! ”

La page se finit avec des larmes…

***

Une vieille dame visitait l’Asile de Beauport. Affectueusement douce, elle montrait de l’intérêt à toutes les pauvres folles qui, heureuses de causer, et mises en confiance par l’air si bon de la gracieuse femme, lui confiaient la préoccupation de leur esprit malade. Une petite religieuse l’accompagnait, souriant à toutes ces grandes enfants. Sorties de la première salle, elles suivaient le corridor, lorsque leur parvint, joué avec une puissance extrême d’expression, l’air funèbre de Schubert. La vieille dame s’arrêta, et son regard interrogea la petite sœur grise :

— C’est une intéressante malade, si douce et si jolie… Elle ne se plaint jamais. La pauvre a souffert… d’amour, finit, bien bas, la naïve sainte, comme si c’était un peu mal de prononcer ce mot-là.

— Elle se nomme ? fit anxieusement Mme  X ?

Mlle  Valérie Z.

La vieille dame s’empara des mains de sa compagne.

— Voulez-vous me la laisser voir ?

Hésitante, la pieuse sœur ne savait trop que faire.

— Elle est si heureuse quand elle joue et chante ainsi, que j’ai remords de troubler sa joie.

— Je vous en prie !

À son piano Valérie se tenait, avec son sourire triste d’antan. À la vue de l’étrangère elle tressaillit, puis s’approcha à la hâte, fière et élégante dans sa robe antique, semblable à celle des vestales romaines.

Joyeuse, elle salua Mme  X.

— Vous êtes la tante de Pierre, Madame, je suis contente de vous revoir. Dites-lui qu’il vienne. Je l’attends. Je joue tous les jours ses morceaux favoris, afin de les rendre, pour lui, avec plus de perfection. Dites-lui aussi que le petit salon est toujours le même… Je n’ai plus de roses, qu’il en cueille là où il sait, pour me les apporter. Nous en mettrons partout, partout ! Cela embaumera ! Et nous serons heureux !

Joyeuse, elle parlait, agitant ses mains diaphanes, le teint animé par l’évocation des jours d’antan. La vieille tante pleurait,