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Premier Péché

Elle resta ainsi toute la messe, anéantie sur son banc, ne voyant rien, n’entendant rien, ne disant rien que ce cri : Mon Dieu !

La jeune fille serait morte là, que cela lui aurait été plus doux.

La messe finie, elle s’en alla comme les autres, la démarche un peu chancelante, l’œil un peu hagard, marchant à la façon des somnambules ; quelque chose en elle se mourait. Valérie le sentait bien, mais elle ne savait pas quoi !

Ses frêles épaules se ployaient, pendant qu’elle allait au hasard, répétant toujours d’une voix à jamais brisée :

— Mon Dieu, ce n’est pas vrai ?


***

C’était vrai ! Dans la belle église, l’orgue vient de préluder aux accords d’une marche nuptiale, pendant que la blanche mariée s’avance vers l’autel. Pierre est là, beau dans son effrayante pâleur. Le prêtre descend vers eux, et la cérémonie commence.

Aux premiers sièges, une blonde curieuse regarde, elle est très pâle, mais délicatement jolie. Elle penche sa tête pour mieux voir, et mieux entendre. Lorsque le prêtre parle, ses yeux se dilatent, comme sous l’influence de quelque horreur, sa bouche se crispe, brisant le fin sourire, et quand le oui sacramentel est prononcé par Pierre, on entend une voix déchirante qui chante : Ô toi seul bien que j’aime ! Au premier accord de cette plainte affreuse, la fiancée répond : Oui !

Tout le long de l’allée qu’on lui fait descendre, Valérie dit le triste chant :

Adieu jusqu’à l’aurore,
Du jour en qui j’ai foi,
Du jour qui doit encore,
Me réunir à toi.

— « Me réunir à toi ! » — La porte de l’église se referme sur ces derniers mots de la petite folle qu’on emmène.

— « Valérie, quoi qu’il arrive, promettez-vous de ne m’en jamais vouloir ? »

Son cœur mourait pour ne point se parjurer.


***

« À qui, me confierais-je ? — Je ne veux demander à personne la sympathie, dont je suis indigne. Combien durement, j’ai expié ma lâcheté. Oh ! la vie terrible que je mène, avec ses luttes incessantes, ses remords affreux ; aucune douceur ne me vient, celle à qui j’ai brutalement sacrifié une blanche victime ne m’aime pas, ne m’a jamais aimé. Et pourtant, je subis encore la fascination