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Premier péché

ceur. Jean trouvait des accents si persuasifs, son regard restait si loyal, que Marthe le crut bien vite. Elle avait raison, car l’amour est un cher aveugle dont les yeux ne s’ouvrent qu’au gré du cœur. Et les yeux de Jean restaient fermés devant la chère idole.

La jeune fille dit maintenant ses angoisses de tout à l’heure, elle rit de ses folles craintes, et lui, tout souriant, l’écoute, comme s’il entendait le récit d’un enfantillage capricieux.

— Belle, vous l’êtes toujours Marthe ; et laide, je vous aurais aimée avec la même tendresse : car, voyez-vous, notre amour est de ceux que le malheur grandit. Ce que j’aime en vous, ma chère fiancée, ce n’est pas la jolie figure toute rayonnante et gracieuse, c’est l’âme qui vit au fond des yeux, et le cœur qui rit sur les lèvres. »

***

La bataille de Waterloo était gagnée !…

Dans la jolie chambrette blanche et rose, riant à sa glace, Marthe se regarde encore, et cette fois, elle sourit, monologuant sa joie. Laide, elle s’était crue laide, et pour se mieux voir, elle tire les tentures de mousseline… la chère crédule sourit encore…

Laide, mais non, Jean le lui avait bien dit, elle n’avait pas changé : et leurs illusions, se confondant par la puissance de l’amour vrai, elle se revit comme Jean la revoyait. Les anges durent sourire à cet amour emprunté du ciel bleu…