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Premier Péché

Mercier


Le 1er novembre, on s’inclinait sur sa tombe, la jonchant de fleurs, y priant pour le grand Canadien, dont le souvenir est toujours vivant au cœur de tous ceux qui l’ont aimé.

« Il fut un patriote ! »

Voilà l’éloge qui résume toutes les grandes qualités de cet illustre vaincu ; l’amour de son pays l’a sacré grand et a rendu sa mémoire impérissable dans le cœur du peuple.

Mercier ! Il fut l’idole des Canadiens, idole fêtée, adulée — et soudain, dans un moment de rage, ce grand enfant qu’est le peuple, devenu incroyant, renversa de son piédestal, le héros ; et dans un accès de rage, piétina brutalement l’être encensé, la veille. On ne survit pas à de telles blessures. Mercier en mourut. Alors devant sa victime immobilisée dans le froid de la mort, le peuple eut un cri d’agonie. On l’avait tué ! Tout le monde voulut revoir une dernière fois cette figure aimée, et dans sa repentance, un peuple se prosterna sur la fosse creusée par lui.

La nation canadienne était prise de ce remords agitant le cœur de la mère qui, dans un moment d’indignation, aurait repoussé loin d’elle le fils chéri. On lui rapporte son enfant, inerte, décoloré, meurtri… Son désespoir ne se traduit pas. Sur la tombe de l’aimé, elle viendra toujours, sentant bien que toute sa vie est rivée à cette fosse où dort une part d’elle-même. Elle oublie les mauvaises heures, pour ne se rappeler que l’amour profond dont son fils l’entourait.

Mercier aimait son pays ! Tout est là, et le peuple qui a des colères, le peuple qui tremble sans cesse d’être trompé, le peuple pardonne tout au patriotisme !

Depuis la mort de Mercier, tous les ans, fidèles à sa mémoire, les Canadiens se groupent dans un suprême hommage : culte fidèle voué au Canadien-français qui toujours fit sonner bien haut la grandeur de sa race.

« Il lui est tout pardonné, parce qu’il a beaucoup aimé ! » Voilà ce qu’une nation émue a gravé sur le socle du tombeau, et ce que les siècles n’effaceront jamais.

Le temps qui anéantit tout sur la terre, ne respecte qu’une tradition : l’histoire. Et dans la nôtre, le nom de Mercier resplendit comme un symbole : celui du patriotisme le plus pur et le plus viril, celui qui rêve de grandes choses et les accomplit.