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Premier Péché

Tadoussac


La fée Saguenay se promenait, transformant tout ce que sa baguette effleurait en monts, caps, cavernes, précipices ; comme dans une colère furieuse, elle semait partout la terreur, et voilà qu’un souvenir heureux, une de ces douces réminiscences qui nous montent au cœur, sans aucun appel, fit palpiter la vieille fée, et elle sourit un regard de jeunesse ! Et voilà comment fut créé Tadoussac, ce coquet nid où la nature a jeté tous ses baisers, cette miniature d’un sourire renfermant tout le bonheur d’une fée, et c’est si gentiment séduisant, si coquettement fin, si radieusement attirant que l’on aspire avec délices l’air parfumé montant du fleuve et du Saguenay, pour éventer avec grâce les jolis arbres qui penchent leur vert feuillage sous la caresse de cette brise si douce.

Tadoussac est un rêve, une évocation radieuse placée au bord des flots pour enjôler à jamais, belle sirène, les voyageurs qui veulent passer sans lui donner un regard. La petite reine du Nord incline son sceptre… et nous voilà à ses genoux ! Tu es trop belle ! lui soufflons-nous. Et la coquette laisse lire dans son petit air penché — Je le savais !

Oui, elle doit le savoir, la jolie séduisante, qu’elle est incomparablement belle et retenante. Depuis des siècles, on le lui chante, on ne saurait d’ailleurs le lui dire trop — n’a-t-elle pas toute la grâce modeste de la vraie grandeur ?

La religion lui a jeté son grand cri d’amour, et sur les bords de ces rives chéries, le berceau de notre foi a été fixé, on y retrouve le souvenir des premiers jours, alors que de pieux missionnaires y construisirent une toute petite chapelle, qui élève encore dans l’air nouveau, le clocheton ancien. C’est une relique précieuse, monument du passé que l’on conserve religieusement à l’avenir, pour raviver l’amour de la foi qui a fait grand et prospère ce Canada que nous aimons tant.

On pénètre dans ce tout petit sanctuaire avec une ferveur attendrie, un je ne sais quoi d’émouvant nous remue jusqu’à l’âme : sur chaque dalle ne lit-on pas : « martyre et dévouement ? » Ce qu’il a fallu d’amour et d’héroïsme pour retenir sur cette terre jadis barbare, les cœurs français épris d’enthousiastes renoncements, on le sent bien dans la petite chapelle de Tadoussac, où tout est imprégné de patriotisme sublime. On y retrouve maints souvenirs