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L’Adieu du Poète

Ma patrie, je l’aime tant ! Si vous saviez comme elle est belle et grande, ma patrie ! Si vous connaissiez le grand fleuve qui nous donne, parfois, l’illusion de votre océan. Nous le retrouvons dans toutes nos villes, dans toutes nos campagnes. C’est notre roi ! Et nos montagnes, et nos forêts, et nos neiges virginales !… Oh ! Jeanne, si vous connaissiez le Canada.

Jeanne

Mais, je le connais :

« Il est sous le soleil, un sol unique au monde,
Où le ciel a versé se dons les plus brillants,
Où, répandant ses biens, la nature féconde
À ses vastes forêts mêle ses lacs géants.

Sur ses bords enchantés, notre mère, la France,
A laissé de sa gloire un immortel sillon :
Précipitant ses flots vers l’Océan immense,
Le noble Saint-Laurent redit encore son nom.

Heureux qui le connaît, plus heureux qui l’habite,
Et ne quittant jamais, pour chercher d’autres deux,
Les rives du grand fleuve, où le bonheur l’invite,
Sait vivre et sait mourir où dorment ses aïeux ! »

Crémazie (surpris)

Vous avez appris ces vers, Jeanne. Oh ! combien votre âme a de délicatesse !

Jeanne (enthousiaste)

Je les trouvai si beaux, ces vers ! Je compris si bien la splendeur du pays qui les inspira ! Lorsque je vous demandai de qui étaient ces rimes parlant au cœur, et où l’on sent vibrer l’âme d’une race, vous m’avez répondu par l’histoire navrante d’Octave Crémazie. Il fit des fautes, cet homme, mais je n’ai pas votre sévérité. Il s’est exilé,… peut-être se perdit-il ainsi pour sauver des amitiés chères ? Respectons le silence de son sacrifice, et rendons hommage à sa générosité. Son cœur et sa droiture n’ont pas péché ; l’âme du poète surnage au-dessus du bourbier des inconséquences humai-