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Premier péché

Une seule avait saisi le sens douloureux de l’énigme mortelle : la petite ramasseuse de roses. Sur la couverture grisâtre qui enveloppe l’agonisante, elle dépose sa moisson parfumée.

Dans les yeux brûlés de fièvre, passe la lueur du grand incendie, flamme heureuse qui s’active dans la suprême flambée…

— Lui ? fit-elle, dans un cri.

Lentement, la sœur incline la tête.

— Lui !  ! répète la mourante, avec une expression d’extase… lui !  !  ! Et pour la Pâques !

Puis elle aspire des fleurs l’aveu d’amour si longuement désiré.

La douce menteuse la regarde avec tendresse. Que de mensonges elle a ainsi faits, que de messages brodés, de douceurs apportées — comme venant de lui — grâce aux quelques sous recueillis par elle — le soir. Mais elle revenait les mains vides, avec des larmes plein le cœur, lorsque le printemps lui avait jeté ces roses.

Elle regarde s’endormir la petite amoureuse que la mort viendra prendre tantôt, et qui, le matin même, a consommé dans l’union divine l’humain sacrifice.

La dernière joie lui est venue sur la terre… petite illusionnée qui mourra en croyant aux amours terrestres, grâce à la généreuse créature dont les pieux mensonges bercent son agonie.

***

Auprès du lit, où dort dans sa jeunesse et sa pureté la blanche petite morte, une tête blonde est toute penchée, pendant que le frêle corps est secoué de sanglots. Le visage a de la finesse et de la grâce ; rien de vulgaire ni de laid sur cette figure mélancolique et tendre qu’un chapeau monstre ridiculisait tantôt, pendant qu’une robe empruntée enlevait toute élégance à la délicate structure.

Et les roses fleurent bon ; leur beauté rose reflète une ombre de vie au delà de la mort…

Les glas chantent l’allelui… pour le dernier adieu de la petite, morte d’amour en respirant les fleurs pascales…