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Premier péché

vocabulaire secret — termes charmants, dont chaque mère possède le riche trésor, et qui leur montent aux lèvres, tout naturellement, comme le parfum monte des roses ; romance délicieuse dont chaque note est un baiser, chaque mot, un aveu !

Aveux qui se traduisent à toute heure par le plus adorable dévouement ! La mère est une esclave, et elle bénit la chaîne qui la retient au berceau, où vit ce qu’elle aime le plus au monde. Tout se concentre là, pour elle, et chaque enfant est à la vraie mère tout un monde !

Les aimer tant ; leur donner la vie d’abord, — sa vie ensuite — souffrir de leurs douleurs, pleurer de leurs larmes, s’égayer de leurs sourires, dire leurs premiers mots ; rêver leurs futures illusions, vivre pour eux, avec eux et avant eux toute leur vie…

La jolie rose d’amour s’étiole : il lui faut un air plus doux ; elle se courbe, se courbe encore pour chercher le petit coin où il fait bon dormir toujours ; ses blancs pétales s’effeuillent lentement : un souffle plus âpre emporte le dernier… Tout est fini, les anges, comme les fleurs, ne restent pas sur la terre !

Elle est partie, la mignonne de novembre, venue dans le mois du deuil, elle s’en est retournée au temps des lilas ; la nature se fit jolie à son dernier regard, et elle emporta au paradis la senteur des premières floraisons.

Elle dort, ses grands yeux clos ; ses longs cils caressent la blancheur mate des joues, ses petites joues pâlies, mais qui s’animaient, hier encore, du feu des baisers. Ses mains sont jointes en une grâce naïve, et les fleurs s’emmêlent dans les cheveux, se nichent dans la mousseline de la robe, se posent sur l’oreiller ; elle dort sous une pluie odorante, et son sommeil en semble plus doux encore…

Elle dort !… et l’on songe à tant d’espérances flétries… Cette petite est morte sans exhaler une aspiration, sans exprimer un désir ; elle ne vivait que par le rayonnement de ses yeux et le charme de son sourire ; ses lèvres ne savaient pas parler… et elle est morte sans avoir rien dit.

À la lueur tremblante de la veilleuse, la figurine gracieuse était idéalement jolie ; on y avait sculpté l’expression heureuse que l’on retrouve dans les images exquises des maîtres, et Celui qui l’avait fixée sur le fin visage de la petite morte est un grand Artiste !

Elle dort, et si heureuse de dormir ! « Ne faites pas de bruit, afin de ne pas l’éveiller, » et doucement, avec des précautions infinies, mettez sur son front la dernière caresse humaine. Si une larme tombe avec le baiser, ô mère, elle se cristallisera en un pur diamant. À quoi bon étreindre ce petit corps inerte ? On ne doit