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laisser la poursuite aux rêveurs, aux poètes fous, décrocheurs d’étoiles.

Pour lui, la beauté dont il rêve, ce n’est pas la Joconde, « irritante », avec le mystère de son sourire, mais la grande Femme nue et couchée, peinte par Titien, qu’il a vue au musée des Offices, « rêve prodigieux d’attrait charnel ». Ce n’est pas la Vénus de Milo, trop « idéalisée », froide et majestueuse, mais la Vénus du musée de Syracuse, devinée par lui, pressentie, quand il peignait sa Vénus rustique ou sa robuste lavandière du Bord de l’eau ; la femme de chair, — « grasse avec la poitrine forte, la hanche puissante et la jambe un peu lourde » — la femme qui n’a rien de « divin » et qui contient pourtant dans ses formes sculpturales, dans le pli de ses reins et la sinuosité de ses lignes, « toutes les modulations de la grâce humaine ».

Ce souci de la beauté plastique et du galbe du corps féminin apparaît partout dans l’œuvre de Maupassant. Il aime à en produire le dessin, depuis la Parisienne svelte et fragile, jusqu’à « la haute négresse, cambrée, luisante, chamarrée… qui laisse sur son passage un fumet de chair humaine à tourner les cœurs les plus solides ».

La préoccupation de la femme est, chez lui, constante, absorbante. Et il en abuse. Et, comme il réduit trop souvent l’amour au geste physique, il nous présente des types exotiques d’amour bestial (Allouma, Marroca) dans des tableaux d’un réalisme qui tient plus, il faut l’avouer, de l’inconscience orientale que de l’européenne pudeur.

Faut-il, à ce propos, parler de l’immoralité de Maupassant ? À coup sûr, il n’est point chaste. Cependant, on ne trouve jamais chez lui de peintures proprement libertines. L’auteur de Boule de Suif et de l’Histoire d’une fille de ferme n’a rien d’un Crébillon fils ou d’un Laclos. Il répugne à la gravelure.