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sourire. Il est à remarquer qu’il n’y a que deux types de prêtres, chez lui : le curé campagnard, le bonhomme rustaud, rond, loquace et borné, déjà créé par Flaubert, et le prêtre fanatique, maigre et exalté, qui maudit l’amour chez l’homme, le poursuit jusque chez l’animal et veut anéantir partout la chair de péché[1].

Maupassant n’a rien d’un disciple de Renan. Il ne subit jamais l’attrait du « divin ». Dieu, le Dieu des religions humaines, lui apparaît comme une conception « monstrueuse », précisément parce qu’elle est faite à l’image de l’homme. Il ne croit pas, d’autre part, au Dieu traditionnel, providentiel, au Créateur conscient, protecteur ou sauveur de la créature.

Un de ses personnages, Roger de Salins, dans l’Inutile Beauté, développe cette idée que Dieu est l’inconscient bourreau, et l’être humain la misérable victime ; que la pensée est un petit accident « fortuit » ; que rien, dans ce monde obscur, n’a été fait pour nous ; que la vie et l’homme sont la plus absurde des énigmes.

Mais cette énigme qui déjà effrayait l’âme de Pascal, Maupassant renonce à l’expliquer. Il nie ou maudit, sans vouloir comprendre. Pascal cherchait « en gémissant » ; Maupassant « gémit » sans avoir cherché. Il borne sa vue à ce qui est. Il supprime la catégorie de l’idéal pour lui substituer celle du réel.

Il n’a pas la résignation des chrétiens, ni la fière attitude stoïcienne, ni le calme dédain ou le « froid silence » d’un Vigny. Il méprise simplement — d’un mépris qui peut sembler enfantin et puéril — ce Dieu malfaisant, « sournois et

  1. Dans le roman Une Vie, c’est un mari outragé, mais dans la première version de cet épisode (Le Saut du berger, recueil Le Père Milon, œuvres posthumes), c’est un prêtre qui précipite les amants adultères, du haut de la falaise, dans la maison roulante, où il les a d’abord enfermés.