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C’était la migraine, en effet, qui le tenaillait, l’« horrible mal », dont il devait dire plus tard (dans son livre Sur l’Eau) qu’il « broie la tête », « égare les idées », et « disperse la mémoire comme une poussière au vent »…

Inquiet maintenant, je m’assis devant la table où s’étalaient de grands feuillets de papier fraîchement noircis — un article qu’il venait d’écrire pour le Gaulois et qui devait partir par le bateau le soir même.[1] Je pris un numéro de ce journal qui traînait sur une chaise, mais je ne pus lire. Mon regard allait sans cesse, attristé, de la table où séchaient les feuilles manuscrites, portant la vive pensée de l’auteur, au lit, au banal lit d’hôtel, où il semblait agoniser…


Cette double « image » de Maupassant m’est restée gravée dans la mémoire. Elle m’est revenue bien des fois, plus tard, quand se déroula la suite des pénibles événements. J’avais vu là, par un effet du hasard, le taureau blessé — ou, comme devait dire Taine, le taureau « triste » — à côté de l’athlète superbe, à mine d’Héraklès vainqueur…

Ici, une question se pose, question grave et délicate, encore pendante, malgré les multiples enquêtes auxquelles elle a déjà donné lieu — celle de l’hérédité dans la nature physique de Maupassant. Les médecins, qui s’en sont occupés jusqu’à présent, l’ont résolue en divers sens.[2]

Il serait à souhaiter que le professeur Lacassagne, qui dirige, à la Faculté de Médecine de Lyon, une équipe de jeunes savants — à laquelle on doit déjà d’intéressantes études médico-psychologiques sur des hommes célèbres[3]

  1. Cet article parut le 27 septembre 1880, sous le titre : La patrie de Colomba.
  2. V. le plus récent travail sur la matière : Dr Lagriffe, Guy de Maupassant, Étude de psychologie pathologique. Paris, 1909.
  3. Études sur Edgar Poe (Dr G. Petit), Lyon, 1905 ; sur Alfred de Mus-