Page:Giraudoux - Suzanne et le Pacifique, 1925.djvu/89

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

roses ; amassées contre un petit mont central, des monceaux de plumes rouges et bleues… C’était bien une île. Errant le long de la grève, cherchant un gué, un gué à traverser le Pacifique, le soir j’en avais fait le tour… Deux milles peut-être en largeur, trois en longueur ; de biais dans l’Océan, à ce que le soleil m’indiqua. Le soir même, j’avais franchi les sept ruisseaux, obligée, pour le plus rapide et le plus large, de remonter à leur source ; j’avais gravi la montagne, aperçu — pour que tout malentendu fût dissipé aussi dès le premier jour avec l’Espérance — à deux ou trois kilomètres au sud une seconde île, un peu plus grande, et, à mi-chemin entre celle-là et l’horizon, pour que la route n’en parût point à mon regard même infinie, une troisième, scintillante de grandes lumières vertes comme les arrêts facultatifs des tramways, à Paris…

Je rougis d’avouer à quoi se passa ma première semaine, quand je compare cette vie frivole à celle des naufragés classiques. À part le coup de bec qui m’éveillait chaque matin et qui cessa du jour où je surpris et frappai l’oiseau, à part ce coup au front, pas beaucoup plus fort d’ailleurs