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chée au continent, et soudain au-dessus d’un rivage rompu, désespérée, en retard de milliers d’années… Mais la vie montait en moi avec le jour… Un beau soleil attaquait chaque fleur et la cascade d’une lance courtoise. L’oiseau-mouche avait le parfum de la dernière fleur visitée et le bec de sa couleur… Des lianes dorées, comme des tuyaux reliaient les massifs, et semblaient y faire circuler entre les arbres abonnés tous les agréments de l’Océanie. Tout le luxe était là, tout le confort que peut se donner la nature par fierté personnelle, dans de petites îles sans visiteurs ; une petite source chaude dans un rocher d’agate, près d’une petite source froide, dans la mousse ; un geyser d’eau tiède, qui montait toutes les heures, près d’une chute d’eau glacée ; des fruits semblables à des savons, des pierres ponces éparses, des feuilles-brosses, des épines-épingles ; les simulacres en quartz d’or d’une grande cheminée Louis XV et d’un orgue de style moins pur ; une caverne de cristal de roche, dans laquelle se prenait parfois un oiseau rouge qui la faisait scintiller comme une ampoule ; et, suprême confort des îles, tout comme au fond des beaux sous-sols de Poiré et de Groux, au fond de chaque allée toute droite, pavée de corail de deuil et bordée de cocotiers où montaient et descendaient des crabes