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naux, et les chevreaux et canards qu’on portait aux cuisines poussant un cri de plus en plus métallique à mesure qu’il devenait leur cri de mort. Du côté de la montagne, le vrai train, des meuglements, des bêlements que l’hiver on devinait d’avance au nuage autour des museaux. C’est là que nous dînions l’été, sur une terrasse. C’était parfois la semaine où les acacias embaument, et nous les mangions dans des beignets ; où les alouettes criblaient le ciel, et nous les mangions dans des pâtés ; parfois le jour où le seigle devient tout doré et a son jour de triomphe, unique, sur le froment ; nous mangions des crêpes de seigle. Un coup de feu dans un taillis : c’est que les bécasses passaient, allant en un jour, expliquait mon tuteur pour me faire rougir, à l’Afrique centrale. Une bergère qui faisait claquer ses deux sabots l’un contre l’autre : c’était voilà vingt ans l’appel contre les loups, il servait maintenant contre les renards, dans vingt ans il ne servirait plus que contre les fouines. Puis le soleil se couchait, de biais, ne voulant blesser mon vieux pays qu’en séton. On le voyait à demi une minute, abrité par la colline comme nu acteur. Il eût suffi de l’applaudir pour qu’il revint. Mais tout restait silencieux… Illuminés de dos, toutes les branches et les moindres