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SUZANNE ET LE PACIFIQUE


CHAPITRE PREMIER

C’était pourtant un de ces jours où rien n’arrive, où, comme les poules quand la pluie va durer, sentant que jusqu’au soir la vie sera monotone, les astres occupés d’habitude à la varier sortent sans emploi et voisinent. Il y avait de tout dans le ciel. Il y avait le soleil ; il y avait, sous une housse, la lune. Nuit, matin, tout était servi sur les mêmes nappes radieuses. Le vent du Sud tombait sur le vent d’Est, perpendiculaire, et des souffles Nord-Ouest-Sud-Est vous caressaient dans l’angle droit. Les cloches sonnaient ; quand le battant frappait leur côté oriental, déjà tiède, le son était moitié plus tendre. Tout le monde était sur les portes, on mettait son ombre au soleil. Le facteur allait en zigzag d’un trottoir à l’autre trottoir ; il semblait ivre de beau temps, la rue n’était pas assez