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Jack et Billy avaient choisi la Marseillaise et devaient se lever pour l’entendre, un tic des sourcils d’Hawkins jeta tout vif cet ami dans mon cœur. Un amour plus fort encore que pour les autres, puisque des membres plus lointains de sa famille en étaient touchés. Visiter le grand-père d’Hawkins un jour où la neige tombe sur Londres, donnant à l’Angleterre la seule ressemblance qu’elle pût avoir avec ma plage en nacre ! Nager dans le Gange avec le filleul de la sœur de Hawkins, près de grands bateaux avec des oiseaux mouvants dans leur mâture immobile, des poissons dormants dans leurs remous ! Aller à Compiègne en auto avec le cousin issu de germain de Hawkins, avoir peur, car il conduit les yeux fixés sur moi ! Hawkins, maintenant, cherchait de nouveau à s’asseoir, car la musique en avait fini avec les hymnes nationaux. Le phonographe jouait Sous les ponts de Paris. Hawkins me faisait expliquer les paroles françaises, puis chantait le refrain, mâchonnant l’air de ces mots pour lui nouveaux comme avec de nouvelles dents. Puis ce fut un tango, et sur son visage tout ce qu’un tango peut suggérer à la pensée d’un étudiant d’Oxford, je m’étonnais de le lire dans ses moindres détails. Cinq années de solitude m’avaient appris à deviner d’après les crispations