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tais encore, à cause de l’accent anglais de mes amis, sur les noms de leurs maréchaux, Pétain, Foch, mais je savais toutes leurs aventures. Jack, qui me semblait le stratège, avait tenu à m’indiquer la manœuvre de la Marne, qui sauva la France : flanc droite, puis flanc gauche ; la manœuvre de Bouchavesne, qui sauva la mairie de Bouchavesne : flanc gauche, puis flanc droite ; enfin la manœuvre de ses patrouilles à lui, par laquelle il fit prisonnier deux uhlans, combinaisons merveilleuses des deux victoires précédentes, flanc gauche-droite, puis flanc droite-gauche. D’Hawkins qui était dans l’état-major, j’avais appris tous les potins de toutes les armées, la visite de lady Abbley déguisée en garçon boucher ; son voyage en auto avec Clemenceau dont il attendait avec admiration des confidences et qui lui dit seulement, après deux jours de silence, montrant des vaches dans un pré : « Si l’on donnait du café aux vaches, on trairait du café au lait. » Sa stupeur dans la salle à manger de lord Asquith en apercevant un an après le début de la guerre le portrait de l’empereur Guillaume en pied. Pour Billy, il parlait peu et portait sur lui tous ses souvenirs, dans la main un morceau de grenade qui l’empêchait de prendre la boussole et lui avait fait commettre, sur le yacht, de