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dessinés dans ce carnet par essence, et me rendaient peu à peu leurs beaux pseudonymes contre des noms vulgaires ou latins ; je n’avais plus de balisiers, de baobabs, d’angoissiers, mais du sagou, de la muscade ; mon cocotier n’était que le palmier pincette ; mon petit arbuste vert et rouge était l’indigo ; mes grosses pommes jaunes étaient le cachou maigre. La science allait se poser sur cette tache ronde au milieu du Pacifique et la boire comme un buvard. Mes oiseaux allaient prendre les uniformes qu’ils ont au Jardin des Plantes. Hélas ! quelques-uns même étaient dessinés ; mon favori jaune était un tarin mâle ; mon merle éventail était le baza gobe-mouches ; mon perroquet qui changeait de plumage et de couleur tous les mois était un guêpier nubicoïde. Le naufragé précisait que pour reconnaître toutes les espèces d’oiseaux il suffit d’inspecter leurs iris, et malgré moi je regardais ceux qui se posaient dans les yeux. Un dont l’iris était fait de deux cercles, le plus grand bleu, le plus petit brun, c’était le lory papou. Un autre dont l’iris était rouge-sang avec une pointe dorée, c’était le combattant troupiale. Un autre qui était bigle, c’était le paradisier Dupont ; et deux planches au lavis ne me permettaient pas non plus d’ignorer désormais le nom d’aucun coquillage ; désormais