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D’abord la compagnie de sept géants à chair blanche, jeunes tous et de taille égaie comme un peuple mythique, les plus défigurés et les plus gonflés, comme s’ils n’avaient pas, eux, l’habitude de cette mort dans l’Océan, le visage si gras et leurs petites moustaches blondes si pommadées que l’eau restait sur eux en gouttelettes et n’avait pas désuni un poil, l’un avec un maintient-moustache, tous avec des instruments dans leur poche dont on n’a rien à faire au fond des eaux, des harmonicas, de petites flûtes, tous avec leur nom gravé à l’encre indélébile sur leurs tricots, mais sans tatouages et anonymes dès qu’ils étaient nus, les ongles faits au polissoir, chacun rapportant sur son visage non pas, comme d’habitude les morts, une ressemblance avec quelque inconnu entrevu dans un orchestre ou une diligence, mais la ressemblance exacte avec le camarade d’à côté ; et dix corps en basane et en muscles, avec des cous d’otarie, avec des fils de laiton pour cheveux, de la corne pour ongles, de l’or pour dents, tous divers, ressemblant tous (avais-je donc oublié à quoi ressemblent les hommes ?) à des chiens, à des chevaux, à des dogues, l’un à un chat, le midship à une femme, avec des poches toujours vides si ce n’est de tabac et de pipes, mais dont presque tous les corps portaient le nom et les aventures, l’un