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dans un pain d’épice, la poudre de riz de l’Empereur de Chine dans une poche de manchon, comme les instruments qui, réunis, scient les barreaux des prisonniers. Puis, ces choses secrètes, nous nous en barbouillions les joues, nous les étalions sur notre visage et les promenions innocemment par la Promenade du Coq ; les cheveux bourrés d’invisibles épingles dorées, dont parfois une tombait à terre, sans que nous daignions l’apercevoir, la laissant ramasser par une duègne, comme une reine le fait d’un amant maladroit ; des rubans roses ou noirs sortant tout d’un coup de nos manches, sur lesquels il eût suffi, peut-être, de tirer pour nous ouvrir comme des boîtes à dragées. Nous avions des pyjamas, que nous mettions à minuit, nous nous réveillions avant l’aurore pour les remplacer par nos chemises, et jamais l’on ne nous surprit dans nos métamorphoses. Nous avions découvert, après quinze années d’espionnage et d’expérience, que c’est de trois heures vingt à quatre heures dix que la fatigue de la vie se faisait sentir chez nos aînées, et que leur surveillance était en défaut. Dès trois heures vingt et une nous respirions à une fiole d’éther, nous fumions à une cigarette ambrée, nous débouchions une bouteille de Célestins pour contrôler si c’est vraiment l’eau qui a le plus le