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d’autres signes que les ancres, distendues ou chavirées sur les écorces, intactes sur les roches, qu’il avait jetées sans arrêt comme dans une tempête, et qui résistaient, mordant aux acajous, aux amboines, sans voir qu’il était parti. En vain essayais-je d’obtenir quelque preuve de l’antilope aux caresses, lui disant des noms italiens, lui parlant avec l’accent vénitien, l’accent romain… La nuit déjà revenait… J’élevais mes bras pour bâiller, et les singes me lançaient, croyant qu’on comble ainsi le sac humain, les fruits qui croissent le plus haut. De l’autre île, mes oiseaux apprivoisés me faisaient leur dernière visite de ce jour, oies et canards suivant le courant à cause des poissons, tous les autres volant tout droit.

J’avais résolu de nager aussi jusqu’à la troisième île, malgré son aspect. À sept ou huit encablures, inculte comme un cuirassé, elle surveillait ses deux sœurs. Pas un arbre. Le vent soufflait sur elle les pollens par cuillerées, les duvets de tournesols par quarterons, et ces oiseaux à bec long par qui se marient les palétuviers, et ces insectes gonflés de graines de fraisiers qui remplacent en Polynésie le marcottage, mais on la