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les plus diverses, il avait amené des conduites en bambou jusqu’à sa case ; ici, où partout était la mer, il y avait une petite piscine en ciment, un tub ; ici, où la nuit s’égale au jour, où le soleil d’un jeu régulier avec l’équateur joue à la corde, il y avait des cadrans solaires sur chaque pierre plate et un vieux squelette de pendule en ressorts à boudins… Sur le rocher qui dominait la mer, était gravé un mètre séparé en décimètres… Le Pacifique pouvait même s’y mesurer au millimètre. Comme une femme qui succède dans une chambre d’hôtel à un homme qui y fuma, j’eus le besoin d’aérer cette île, de jeter sur le banc de pierre, sur la chaise en bambous quelques écrans de pleureuses et quelques divans de plumes. Là où tout est solitude et bonté, il y avait gravé en latin sur la grotte : Méfie-toi de toi-même. On y voyait aussi, dans un petit clos pris sur les champs d’orchidées, des fleurs misérables, des zinias, des balsamines… Près du tub, je trouvai un sou italien.

Un sou n’est pas grand’chose, surtout pour qui vient de découvrir un trésor, mais qu’il fût italien, mais que ce fût ce sou qu’on me refusait enfant dans les pâtisseries, et que les vagabonds n’acceptaient que s’ils allaient vers le Sud, j’en fus atterrée. Car j’avais imaginé un Irlandais, un