Page:Giraudoux - Suzanne et le Pacifique, 1925.djvu/133

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

glace, son corps, son unique corps. Une mangue que je pressais trop fort, éclata, m’inonda. Jamais Cubaine, jamais Liménienne, jamais Orientale nue ne reçut sur elle avec plus de rougeur une mangue éclatée… et toutes les coquetteries qu’une Française vêtue de plumes rouges peut faire au soleil levant, je les fis jusqu’à midi… C’est ainsi qu’en moi rien n’obéissait plus très bien aux commandes, que je trouvai je ne sais quelle variété d’innocence en cherchant la gaîté, et, la semaine suivante, en cherchant la piété, je ne sais quelle ardeur d’architecte qui me fit transporter des arbres, tisser des lianes ; puis de peintre, qui me fît découvrir dans cette étendue étincelante les trois ou quatre points sensibles qu’il fallait percer et par où les couleurs particulières se donnaient vraiment aux hommes : un coquillage, qui donnait le vermillon, une fleur, qui donnait le bleu, et une petite carrière qui donnait un blanc de céruse ; car l’île toujours ne se crut obligée de sécréter que cette résine française, et je n’en usai d’ailleurs que pour accentuer toutes ces apparences dont je vous ai parlé et qui semblaient humaines, pour souligner de violet tous ces yeux contenus dans les écorces ; teindre de blanc les branches qui ressemblaient à des bras ; les vers, les chenilles, les insectes furent