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les coraux, les perroquets, les baobabs. Le mot jeune s’ajoutait dans ma pensée à chaque mot, comme une baladeuse, au printemps, s’ajoute à chaque tramway d’Europe : la jeune Océanie millénaire, les jeunes vieux kakatoès ; mon chagrin, mon désespoir je les sentais en moi devenir des chagrins, des désespoirs jeunes et forts. À un bleu plus pâle on reconnaissait les gouffres les plus profonds du ciel. C’était l’espoir attaché à la queue de chaque oiseau comme ces papiers roulés dans les classes aux pattes de la mouche. C’était l’eau de mon ruisseau le plus placide soudain frétillante et froide comme une eau de montagne. En une nuit, les carapaces des tortues, les peaux des lézards, étaient plus claires et frottées que des peignes ou des portefeuilles, ceintes aussi de gribiches d’argent et d’or. Tout ce avec quoi se fait le printemps en France, la neige, les glaciers, il semblait qu’un dépôt en fût caché au centre de l’île. Un afflux vert partait de l’attache des feuilles de bananiers et poussait la sève jaune vers le haut de la feuille, comme dans une chevelure teinte la vraie couleur, mais à une allure sensible à l’œil nu. Tous les insectes à tous les arbres grimpaient droit comme des coccinelles. Ces carabes lumineux de nuit voletaient en plein jour comme des lampions qu’on a oublié d’éteindre au lendemain