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peine autour du cou un peu de cette braise qui inonderait au printemps tous les paons de mon île… avec ce rocher d’où tombaient les lichens en chevelures de femmes ; avec, à mes pieds, des morceaux de bois pourris qui avaient l’air de mâchoires, d’arcades sourcilières, de coudes humains… Tout cela n’était point seulement imagination. J’ai vu depuis les noms donnés par les savants à ces apparences humaines ; l’œil de bois fut bien nommé par Littré nodus oculus ; le lichen capilla Irenei par Buffon, et ces deux fûts lisses et courbés, sur lesquels j’allais m’asseoir, dont j’enlaçais le haut tronc, Blaringhem les dénomma osculus Rodini… C’est de là que j’apercevais, lancés au-dessus de la forêt comme des torches échangées par des jongleurs, les oiseaux de paradis…

Telle était mon île, trop scintillante, avec des jours où la nacre, les coquillages étaient faits au Brasso ou au Faineuf, et tremblante parfois de petits tremblements de terre, quand un corail poussait plus vite que les autres ou que trois madrépores discutaient. Toutes ces couleurs, tous ces catleyas géants buvaient ma solitude et ma tristesse, je l’ai déjà dit, comme un buvard. Si