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cubistes, de trouer son masque de Français. Vous y gagnez d’être un pays tapisserie où le minimum de conscience commence à ce qui est le bonheur pour d’autres nations, et qu’on doit avoir plaisir à observer d’une autre étoile. Mais ne vois-tu pas, toi du moins que je croyais poète, que les esprits se reproduisent en France moins rapidement encore que les Français, et la chauve-souris roussette, seul animal cabalistique que vous ayez conservé des deux mille de votre Moyen Âge, ne peut remplacer à elle seule les incubes et les succubes ? Aussi la France est devenue une institution à peu près purement humaine et les forces poétiques et diaboliques en sont de plus en plus bannies à notre bénéfice. Vous avez d’innombrables forêts, mais à minuit, en pleine horreur nocturne, elles agissent moins sur l’âme primitive qu’une sapinière de Berlin à midi. Vous avez des fleuves et rivières qui se repeuplent, paraît-il, en écrevisses et en mirandelles, mais cette hégémonie et cette hypocrisie de l’élément liquide dont le moindre ruisseau allemand témoigne autant que le Mékong, on peut l’y chercher en vain, et tu peux être assuré que le Rhin, de Bâle à Carlsruhe, ne va plus rouler lui aussi que de l’eau filtrée, loyale et insipide.

— Il en a toujours été ainsi en France, Zelten.

— Erreur, triple erreur. Quand Swedenborg mourut, c’est à la France qu’il remit la direction des forces spirituelles de la planète, à un certain Le Boy des Guays, un des inventeurs aussi du puits artésien, qui pendant cinquante ans entretint de pression démoniaque le monde, et en particulier l’État de Michigan, pour lequel il nourrissait une prédilection que l’étude