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toutes les fois que vous entendrez le mot Prémisses…

Elle passa ainsi le soir à séparer ce qui devait périr avec elle et ce qu’elle devait planter dans le nouveau passé de Kleist. Puis quand le chromo officiel de sa vie fut épuisé, quand les troupes alliées eurent défilé sous l’Arc de Triomphe, et quand il ne resta plus en elle que ses défaillances, ses erreurs, ses mauvaises habitudes, elle se tut, gémit toute une nuit, ressembla soudain à la mort, ressembla pour la première fois à son fiancé futur et non passé et mourut…

*


Il était minuit. Tous les Français dormaient. Y compris le million de mères que la guerre a privées de fils. Y compris, dans les dortoirs de la Légion d’honneur, groupées pour la surveillance autour de la répétitrice qui ronfle sous sa tonnelle de mousseline, les quatre élèves romantiques. La lune, pour une aussi belle nuit, s’était arrangé à la paraffine des traits normaux. À peine un futur clairon s’exerçait-il dans les jardins lumineux sur un clairon d’argent. Tout dormait, entre Rhin, Atlantique et Pyrénées, y compris, car c’était le lendemain d’un dimanche d’élections et de sport, les nouveaux conseillers généraux et les nouveaux champions de longue paume. Y compris Monet, Bergson, Foch… Dans une proportion défavorable aux pyjamas et favorable aux chemises de madapolam, les huit cent mille fonctionnaires dormaient, gloire et douceur de l’État. L’égalité de la nuit pénétrait par des millions de volets hermétiquement clos et par cinq ou six fenêtres ouvertes le peuple