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cent trente démons, Julius Freysing et Kurt Eberlein.

La tribu sainte d’Oberammergau n’était pas sortie intacte de la guerre. Les mobilisés avaient dû, malgré les démarches du bourgmestre, laisser couper pour la première fois de leur vie leurs chevelures ; sut les bras nus demeuraient les marques du vaccin antityphique, anticholérique, antitétanique, et il apparaissait que les Amalécites avaient sévi sur la région. Aux portes du bourg, des gaillards armés d’arcs et de javelots montaient la garde, car les mineurs voisins de Peissenberg menaçaient d’interrompre par la force des spectacles si préjudiciables aux prix des denrées, et un Américain devait, malgré les danses, cinématographier la scène d’une fenêtre. Dès que le soleil éclatait sur une vitre, tous les arcs se bandaient contre elle. Ils parlaient le langage du nonce, et j’appris d’eux que les Schwanhofer habitaient en dehors de la ville entre les maisons de Sadok et de saint Pierre. Pour y arriver, j’eus à passer sur le tronc d’un chêne les canaux d’eau courante, à écarter les aubépines, à toucher tous les végétaux qui avaient fourni aux Jeux la couronne, la croix ou les fleurs. Un aigle planait au-dessus de quelque agneau dédaigné pour le rôle d’agneau pascal. Le printemps et la montagne, affolés par tant de visites, offraient à profusion de quoi finir pour toujours la Passion et la Lutte du Bien et du Mal, des chutes d’eau par milliards de volts pour électrocuter définitivement Judas, des lacs profonds de mille pieds pour noyer l’enfer, et, pour donner un jeu éternel aux séraphins et aux archanges, un chamois apprivoisé qui m’escorta.

Forestier était assis sur la terrasse, et un jeune