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vicinal bordé de haies débouchant dans le départemental bordé de cerisiers, du départemental dans la route nationale bordée de peupliers ou d’ormes, — tout le chemin de notre civilisation ! Nous arrivions à six heures tout vifs dans Brantôme suintante et entourée de douves, et à sept heures, quand les rhumatismes nous avaient pris, nous revenions par un chemin où chaque vallée avait sa petite scierie mécanique comme un souffle nocturne…

— Et encore ?

— Puis la nuit venait. Le jet d’eau de la place redescendait. On entendait le contrôleur, avant de clore sa maison, siffler son chien avec la clef de la porte. Nous nous couchions dans des lits à deux draps, nous nous endormions au cri des grenouilles et des grillons, qui essayaient en vain de forger un nom propre à leur marais ou à leur champ. Alors commençaient nos rêves, car vous rêviez beaucoup, mais je ne peux vous renseigner sur eux, sinon vous dire que vous voyiez souvent une colline à pic d’où descendent en luges des jeunes filles et des tigres… C’était la fin… Les grillons s’étaient tus… C’était le néant…

— Et encore ?

*


Un jour je trouvai affichée à la porte du Casino une nouvelle qui nous chassa de la Baltique.

— Révolution Munich. Comte Docteur Artiste Peintre von Zelten a pris pouvoir.

Car il faut, en Allemagne, la moitié au moins du télégramme pour indiquer les titres bourgeois du révolutionnaire.