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vie la disperse dans l’Allemagne entière. C’est l’Empire d’Haroun-al-Raschid, avec ses sept frères Mannesmann et ses quatre-vingt-treize intellectuels, brutal, savant ; même inégalité prodigieuse entre les castes toujours distribuées en maréchaux, princes, marchands et esclaves, et même prodigieuse égalité dès que comparaît l’appareil poétique, larmes, attouchements, musique et brasserie ; même mépris de la mort, même brutalité de tous ceux qu’on dresse en pays occidentaux à la douceur, porteurs, cochers et gérants de cafés ; mêmes maladies nerveuses sans nombre, même impuissance à concevoir un vice défendu ; même ardeur du mensonge dans les récits ; même amour des bâtiments en rotonde et, preuve suprême, alors qu’il paraîtrait ridicule d’imaginer les Mille et une Nuits avec Édouard VII pour sultan, avec Grévy ou avec le roi d’Italie, personne ne serait étonné d’apprendre qu’un prince allemand, tous les soirs, se fait conter, par l’archiduchesse sa femme, assistée de la cour en tenue de gala, les orchestres jouant, les femmes nues dansant, les lions d’Hagenbeck rugissant du parc, mille ampoules électriques rendant bleue ou rouge la nuit, un conte qu’il exige chaque soir nouveau, sinon il la tuera…

Je n’avais été mis au courant par aucun billet des projets de la Consul, mais j’avais été signalé à la Franzosenhassliga, et je recevais, tous les matins, une lettre anonyme relevant un fait honteux découpé dans un journal français du jour : « Les femmes Bessarabo