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dans la salle une autre muse, un œil observateur pouvait compter deux pieds de moins au plafond… Soudain, j’eus le sentiment que Lotte Walden était là.

Il y avait quinze ans aussi que je n’avais vu Lotte Walden. Je lui avais été présenté (c’est la meilleure et plus correcte présentation à Berlin) par une annonce, où je sollicitais pour jeune étudiant français hôtes de marque et de culture. Le journal m’avait imposé cette rédaction, qui m’avait valu, le soir même, une enveloppe à blason si considérable que j’avais été sur-le-champ saluer son expéditeur. C’était un jeune israélite de Charlottenburg, nommé Walden, acharné à pénétrer dans la bourgeoisie berlinoise, en vain d’ailleurs, et malgré l’ingéniosité de ses procédés. C’est ainsi, ne comptant plus sur les intermédiaires humains, qu’il s’était fait inscrite à la Société d’Acclimatation du Jardin Zoologique, et apprivoisait la variété d’animaux chère aux collectionneurs dont il voulait l’invitation. Pour capter le Baurath von Berger, il avait comme lui, élevé des souris japonaises. La salle à manger était garnie sur son pourtour d’un fourreau métallique à renflements assez semblable à certain soutien-gorge, et dans lequel les souris continuaient à courir jusqu’à leur mort dans le sens où Walden les avait pour la première fois déposées, gravissant au galop les souris galopantes parties à leur naissance en sens inverse. Mais le Baurath, sollicité, avait refusé de prêter son mâle… Pour capter Georg von Göltz, Walden avait ensuite tenté, dans son salon, le croisement du cerf gyska et de l’hydropote ; en vain, tous les jeunes sujets acquis à prix d’or, zèbres, daims, antilopes, avaient eu la maladie des jeunes chiens, et