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testaments d’homosexuels où la générosité éclatait, et les comparer, pour la honte des esprits normaux, à vingt testaments bourgeois. Mais la salle était déjà comble ; et, gratifiés de prospectus : « Elisabeth Blieferth, dentiste, prix spéciaux pour amis et amies », « Machines à écrire Ia, prix spéciaux pour Allemands à esprit antique », nous allions nous contenter des bars où l’on cherche les mères possibles de Mandragores, quand je me souvins d’un mot que m’avait confié Zelten. Il était possible par lui de pénétrer chez les Kunstfreunde, amis des danses nues, chez les Kunstfreundinnen, amis de la musique exécutée par des instrumentistes nus, chez les Kunstfeinde, ennemis de ce qui n’est pas le cinéma bizarre, chez les Asiatische Fanomenenfreunde, amis des phénomènes orientaux, et dès la première syllabe on nous ouvrit, en effet, au fond d’une cour, un cirque de marbre jaune et d’ébène, qui ressemblait assez au tombeau de Napoléon, avec la différence que les Victoires étaient berlinoises et déshabillées. L’arène s’éclairait par un plafond de dalles lumineuses, analogue, en plus transparent, à nos plafonds du métro, avec la différence qu’on y faisait circuler, pour l’agrément des yeux, un troupeau de femmes nues, dont on apercevait distinctement les pieds et indistinctement la forme. Le capitaine baron von Leyde, de la Garde, et en demi-solde, devait répéter dans cette arène sa conférence sur la nudité, et y montrer sans voiles sa chère Celly, la baronne. Il était déjà sur l’estrade, deux femmes nues accroupies à ses pieds, l’une portant un stylo gigantesque et l’autre une machine à écrire, symboles modernes de Clio et d’Euterpe. À mesure qu’on évoquait