Page:Giraudoux - Siegfried et le Limousin.djvu/162

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Londres et sur New York. Pas de fleuve : une rivière-canal où l’on eut toutes les peines du monde à remonter un cachalot naturalisé qu’on voulait montrer pour quinze pfennig aux membres cadets de la Ligue navale et à l’intérieur duquel fut aménagée plus tard une chambre de sous-marin. Partout ce sol argileux qui ne permet aucun souterrain, qui isole chaque mort dans sa cabine étanche, et ne laisse à l’eau de pluie d’autre moyen de disparaître que ceux qu’ont la bière et le vin : par l’été ou par la soif. Partout une architecture d’expositions universelles, foires peu recherchées des esprits. Une ville qui paraît gangrenée et presque aussi ravagée qu’une ville du front, simplement parce qu’on a négligé les parterres des avenues. Mais, dénués de caveaux et de fleuves, des profondeurs de la terre et de l’eau, de ruines et de cathédrales, les maléfices se réfugient dans les cachettes modernes, dans le téléphone, les tubes acoustiques, les trolleys, et donnent une vertu criminelle aux instruments qui servent dans tous autres pays pour commander une timbale milanaise ou annoncer à l’ami d’un autre arrondissement qu’il fait beau dans le vôtre. Pas de salon berlinois qui ne paraisse disposé pour l’assassinat, à cause on ne sait de quoi, à cause de la place des miroirs, la façon dont ils reflètent des miroirs de miroirs. Une vie d’hôtel forcenée, avec le garçon qui vous éveille le matin en habit et sans un sourire, comme pour votre exécution. Une ville amoureuse de l’or, qu’elle se procure par les pierres philosophales, l’électricité, la distillerie de l’air, mais qui n’en ressemble pas moins, par ses mœurs, aux villes de l’Alaska où l’on cherche l’or lui-même, où les perturbateurs et