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dont l’écho ne doit répondre que la dernière syllabe. Mais c’étaient de trop bons échos ; ils reprenaient la phrase à son début. Puis vint la frontière autrichienne, au-dessus de laquelle planait le premier aigle de la promenade, toujours hésitant entre les deux nouvelles républiques. Les douaniers autrichiens étaient au poste bavarois à boire de la bière, les bavarois dans l’autrichien à boire du vin. Les maisons à fresque avaient fait place aux chalets. Nous étions dans les cantons où les braconniers coupent la tête du camarade tué et le déshabillent pour qu’il ne soit pas reconnu. Un sirop d’histoire tyrolienne coulait sur la mémoire de M. Grane, tout ému. Mais derrière nous, j’entendais Geneviève interroger Kleist. Elle apprenait de lui-même sa vie, et qu’il avait tout oublié de ses trente premières années…

— Vous avez rudement de la veine, lui dit-elle.

Elle baissa les paupières une seconde sur ses yeux tristes, et bientôt deux yeux éclaircis apparurent, deux fois plus ignorants au moins que ceux de Forestier.

La visite aux Lacs Mazuriens débuta sans solennité par la faute de M. Grane, transporté pour avoir aperçu un lac entièrement tapissé de verdure.

— Jamais, jamais, cria-t-il à Ludendorff dès qu’il l’aperçut, M. Hearst ne permettra que la Bavière, sous le mandat français, voie péricliter ses plantes les plus vivaces !

Il m’était réservé d’être son interprète, car il ne savait point l’allemand.

Ludendorff était pour un mois à Hohenschwangau. Tous les cygnes et les chamois qui servaient au temps des touristes à peupler le paysage avaient été réunis