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canons les plus effroyables, mais les poux, de même pendant la paix, les Anglais ne sont pas les plus insupportables, mais les Français. La France est le plus mesquin, le plus cruel peuple de la terre, l’unique chez qui tout sentiment du droit s’est éteint pour toujours. C’est le peuple le plus pourvu en vices, celui du marquis de Sade, celui de Choderlos de Laclos, général de la Révolution, le collègue de leur Monsieur Foch. La morale de la France, c’est le pot de fard. De même qu’on ne trouve dans aucun pays civilisé autant d’êtres sales et mal lavés qu’en France, de même on ne trouve nulle part autant de fard. Une couche de fard sur de l’ordure, c’est l’enseigne de la France. Pour chaque Français noir qui a souillé notre sol, dix mille Français pâles doivent périr, et ce chant est un chant de haine entre un million. »

— Eh bien ! Eva ?

— N’était-ce pas à peu près votre chant et celui de vos professeurs après 1870 ?

— Après 70, mon instituteur m’a forcé à dessiner aux crayons Faber et à mépriser les crayons Conté. Mon professeur de gymnase à lire Immerman et Kotzebue, au lieu de Dante et de Shakespeare. Mon maître d’histoire naturelle, à l’Université, à découper les animaux d’aquarium en quatre, suivant la méthode de Giessen, et non en deux, suivant la méthode de Gaston Bonnier. L’influence la plus claire de 1870 sur moi, c’est que j’ai été nourrie de Kotzebue et que je découpe le têtard par quartiers.

— Et maintenant ?

— Puisque notre dialogue se poursuit entre tous ces livres, voulez-vous que nous lisions le premier