Page:Giraudoux - Siegfried et le Limousin.djvu/135

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

(car à l’étranger je suis plus fier de mes provinces que de mes départements). Le reste de la carte était vide. À ces questions indiscrètes que posent les Universités allemandes au nom du Rector magnificus sur votre puberté, ses manifestations, et sur vos vices, j’avais refusé de répondre, évitant ainsi de compromettre, entre autres, l’Anjou, le Vivarais et la Saintonge… Je me félicitai de n’avoir pas commis d’indiscrétion dont Eva sûrement eût tiré avantage…

— Répondez-moi, dit Eva, et lâchez-moi, il y a danger…

Elle parlait en pylône électrique, et en effet, si j’en croyais Ida, Eva supportait des câbles assez chargés en volts, celui de la Consul, celui de la Thulé, ceux des Schutzcorps…

— Que faites-vous autour de Siegfried Kleist ? Que machinez-vous contre lui ?

Assuré que vingt bonnes années après qu’on m’aurait enterré dans mon petit cimetière au fond d’un cercueil égal, pour la bonne ordonnance, au plus long cercueil de mes aïeux, la belle Eva vivrait encore, chrysanthème Bourla à son déclin, sa fureur ne m’impressionna point. J’adore d’ailleurs les scènes entre jeune homme et jeune femme, dès qu’elles éclatent en Allemagne. Elles y correspondent à ce qu’est en Écosse le silence des deux fiancés dans la caverne, aux États-Unis à l’adoption par deux amoureux d’un petit de blaireau ou d’oiseau rieur, en somme à toute contraction romantique de l’âme, et sur l’océan Indien, où l’on ne bouge point par paresse, et où l’on laisse faite les scènes par les éléments eux-mêmes, au typhon et au grand éclair. Il se consomme heureuse-