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CHAPITRE QUATRIÈME


De même que c’est toujours le matin où le grand romancier a décidé, après deux années perdues, de commencer un roman, que monte lui faire une visite un camarade de collège dont l’ambition est de questionner en détail sur ses goûts un romancier et d’apprendre de lui s’il a aimé ; de même que le poète installé à l’aube dans la prairie voit son poème intérieur sapé par le bruit des lavoirs, qu’il décrète en vain applaudissements de l’horizon ; de même que c’est le jour où le méchant a juré d’être bon, que ses créanciers, avertis par des impondérables, précipitent sur lui leurs encaisseurs, dont il arrive, de rage, à tuer le dernier : — tout au contraire, moi qui avais décidé d’être ce matin-là sans beauté, lâche et paresseux, je fus comblé en ouvrant ma fenêtre. Le ciel était bleu, à part trois ou quatre nuages ronds qui tournaient à la manière du soleil. Il faisait éclatant ; de la neige, séparés comme les grains d’un riz à l’indienne, chacun des cristaux étincelait à son compte, et tous les humains qui ont un vœu de gymnastique suédoise à leur lever s’en acquittaient, pour la première fois de leur vie, sans rechigner contre la Suède.

J’achevais ma courte vie nue de la journée, quand