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RETOUR D’ALSACE

mal éclairés sur nos sentiments, nous la prenons pour une joie. Nous sommes vraiment joyeux. Des chœurs se forment ; notre gamelle aussi crie contre l’acier de notre fusil et chacun fait individuellement, sous ce soleil, un bruit argentin à la manière des cigales. Ma compagnie chante le Chant du Départ, en modifiant toutefois le nom de Viala au profit de Vialard, notre gros caporal. Artaud, qui trouve cette chanson superbe, vient me demander à une pause de la lui copier. La vallée se rétrécit ; il y a de l’écho ; ce qui nous fait chanter les Montagnards. De temps en temps, des bourgs qui se raccordent ; c’est déjà Bitschwiller, c’est déjà Willer, bien que les adjudants soutiennent que c’est encore Thann. Chaque bourg indique loyalement son altitude et la hauteur de la montagne la plus proche. Nous traversons la Thur. Voici Moosch, où notre guide se trompe de chemin pour la première fois et nous met sur la route du ballon de Guebwiller. Cela nous fait un quart d’heure d’excursion. Voici Saint-Amarin, où nous faisons la grand’halte, dans une prairie en contre-bas de la rivière. Tous les enfants de la ville viennent nous contempler. Nous leur offrons des gâteaux, car nous avons acheté une pâtisserie ; ils refusent poliment, ils n’ont pas faim, ils n’acceptent que