Page:Giraudoux - Retour d’Alsace, août 1914.djvu/94

Cette page a été validée par deux contributeurs.
86
RETOUR D’ALSACE

un contrôleur. Il y a tout cela, il y a même la douane, la gare. Il y a la pêche, la chasse. À chaque coin de rue, un poteau de tourisme nous indique aussi l’excursion. Les adjudants essayent à l’envi d’épeler les écriteaux.

— Nous irons à l’Engelbourg, nous irons au Thannerhubel ! on peut revenir par l’Albertsfelsen.

Ils trébuchent sur ces mots raboteux.

Mais nous sommes déjà dans les faubourgs. Les maisons s’espacent, se reculent, s’adossent à la rivière ou à la montagne. Avec des jeunes filles au visage rond et aux yeux noirs, nous échangeons les fleurs reçues à la ville contre les fleurs de la campagne. Enfin, on nous laisse faire halte près d’un château dont les propriétaires viennent saluer le colonel. Les jeunes filles sont accompagnées d’une amie, d’une cousine italienne, qu’elles ont habillée avec le costume alsacien, alors qu’elles-mêmes sont des Françaises. Ainsi les jeunes filles de Rouen se croient indignes de jouer le rôle de Jeanne d’Arc et le confient à une actrice. Italienne qui pique un géranium rouge dans chaque canon de fusil, méthodiquement, comme si elle faisait des boutures. Départ. Les hommes se sont mis à chanter. L’impression de cet adieu ou de ce salut a été si forte que tous, ouvriers et paysans,