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RETOUR D’ALSACE

jour où la paix fut signée entre la Russie et le Japon. Lui, Jadin, pour qui le voyage est terminé, quand on a effleuré New-York ou Le Havre, prétend que la guerre est finie, parce que nous avons touché Mulhouse.

— Comme on dit, dit-il, war is finished.

Où dit-on cela, à Portland ? Il n’y a de fini que cette campagne d’Alsace, d’où nous sortons un peu meurtris par deux semaines ternes et inutiles. Nous l’abandonnons, mais pas sans l’impression qu’elle nous abandonne… Chaque verger, chaque platane, nous semble rejoindre derrière nous la forêt de la Harth, qui nous a barré le chemin, et se masse avec elle. Déjà des inconnus fauchent les blés des champs allemands, qui, seuls, étaient restés debout, leurs maîtres s’étant enfuis. Un à-gauche brusque et, en moins d’une heure, nous serions en France. Les hommes regrettent seulement de ne pouvoir rattraper une voie romaine, marquée sur la carte. Dès que la route s’élargit, résonne, ils prétendent la reconnaître.

— Ce que le pied peut fatiguer moins ! disent-ils à mon adresse. C’est là, sûrement !

Mais César a préféré marcher à l’ombre et contourner le petit bois.

Soudain, devant nous, au seuil des mon-