Page:Giraudoux - Retour d’Alsace, août 1914.djvu/70

Cette page a été validée par deux contributeurs.
62
RETOUR D’ALSACE

au milieu de la vingtième, et qui obtient de se mettre au bord de la compagnie quand je lui rends visite. Il croit aussi que nous allons vers le Rhin, bien que nous marchions face au soleil, c’est-à-dire vers l’Occident. Poète de l’active qu’il est, il m’avoue qu’il compose des éloges depuis le matin, il est dans ses jours d’éloges, pas d’éloges en vers, m’explique-t-il, mais en prose rythmée, par versets. Il a fait aujourd’hui l’éloge de Petipon, celui du colonel, celui de notre engagé cubain : — Cuba, dont nous ignorons la vraie forme, car seule la première carte de Colomb y est permise et pour effiler l’île, Colomb fit cinq voyages. Il me les récite. Il se propose de composer, comme préface, l’éloge des éloges. Puis, soudain muet, il me contemple avec des yeux si lumineux, si insistants que je devine son projet, que je me sens ma propre louange, et que je n’ose pas plus faire de gestes, par modestie, que devant le cinématographe.

Quel bizarre itinéraire ; à quoi peut bien penser Michal ! Un village coudé, et qui mesure l’angle droit, nous renvoie soudain vers la France. Puis, nous remontons, par des raccourcis, au Nord, puis,