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RETOUR D’ALSACE

de Michal, en nous allongeant dans ce pré, ils s’éteignent, et ces souffles sur moi de vie plus ardente. Restons ce que nous étions en juillet, le dernier jour de juillet, lui, ingénieur à Lens, moi baigneur à Châtelguyon. Restons-le, s’il le faut, toute notre vie, sans demander l’avancement de Lille ou de Vichy. Acceptons que le courage militaire demeure l’apanage d’une caste enfantine et bruyante, et ne se répande pas, comme l’a fait la Légion d’honneur, son insigne, parmi les professeurs, les contrôleurs, les peintres… Six heures. Le canon se tait, le cœur n’est plus jaloux et bat plus lentement. Je ne veux pas me faire illusion, mais je crois bien sentir passer une seconde où, malgré la guerre et malgré les moyennes municipales, personne en France n’est mort, personne n’est né…

Mais on sonne au vaguemestre. Il fallait la guerre pour qu’on distribuât un courrier le dimanche après midi ! Mauvaise humeur de Devaux ; il n’a qu’une carte de sa femme, qu’il a épousée la veille du départ : Elle aurait vraiment pu lui écrire une lettre.


Aspach, 24 août.

Dormi à cinq sur un matelas dérobé par Devaux, qui a été moralement forcé de nous inviter, et